Nos cinq astuces pour profiter du fromage en cuisine
L’immense avantage de la France, c’est qu’il y a toujours une bonne occasion pour en manger – et l’hiver, plus que jamais. Du coup, face à cette pléthore de choix tout au long d’une saison qui ne nous a jamais semblée aussi longue, on vous donne quelques conseils sur comment s’y retrouver pour en profiter sans vous lasser !
Futé : le fromage en entrée
Le fromage souffre d’une image malheureuse : trop gras, trop salé, trop lourd… Si cette terrible réputation diététique s’appuie sur certains éléments factuels – comme souvent, ce n’est pas le fromage qui pose problème, mais son mode de consommation, car on ne sait jamais s’arrêter au bon moment – il y a une façon d’y remédier sans surcharger la balance calorique. Pas sûr que la solution plaise au plus grand nombre mais allez, on se jette à l’eau : enlevez le pain ! L’idée, ce n’est pas de se priver de pain pour manger plus de fromage, mais de le mettre là où le pain n’est pas nécessaire : dans une salade, en dés (telle la feta, souvent vendue en cubes prêts à y être dispersés) ou en tranches plus ou moins épaisses (les rondelles de chèvre cendrée harmonieusement réparties sur une grande salade verte) ; sur une soupe de légumes (un minestrone, une julienne d’Arblay) ; en farce dans des samoussas épicés : bref, à vous de varier les plaisirs !
Incontournables : la tartiflette et la raclette
En 1992, Albertville accueille les jeux Olympiques dʼhiver. L’occasion de rappeler au monde la place prépondérante de la France dans les sports alpins – avec toujours à l’esprit les victoires déjà anciennes des sœurs Goitschel ou de Jean-Claude Killy – et dans la gastronomie, avec la tartiflette, inventée dans les années 80 pour mettre en valeur le Reblochon produit dans le massif des Aravis en Pays de Savoie. On le connaît déjà dans le pèla, dont les ingrédients (pommes de terre, oignons et lard) rappellent la truffade et la gastronomie auvergnate, ou encore dans la reblochonnade – la même chose, sans les lardons.
Quelle meilleure saison que l’hiver pour faire du gras ? Les journées sont plus courtes et on a rangé les maillots de bain : selon une étude de l'Université de l’Alberta (et les Canadiens s’y connaissent en matière de froid !), les cellules exposées au soleil ne stockent pas ou peu de graisses ; si bien que l’hiver, elles ont tendance à les accumuler. Ce mécanisme est déjà connu depuis longtemps : c’est la thermogénèse, c’est-à-dire la régulation de sa température face au froid, qui peut expliquer qu’on ait plus faim l’hiver (ou moins faim l’été) et qu’on soit davantage attiré par les aliments gras et sucré – ce qu’on baptise joliment en Anglais comfort food. Ou, comme on dit chez nous à propos de tout ce qui est joliment luisant de lipides, « le gras, c’est la vie ! »
Technique : mesurer la température de fonte
Les scientifiques sont des gens sérieux qui étudient des choses compliquées. Et puis, parfois, les scientifiques appliquent très sérieusement leurs méthodes sur des choses pas compliquées du tout et très proches de nous : voilà comment l’insurpassable Harold Mc Gee a étudié, de fond en comble, tous les mystères de la cuisine dans On Food and Cooking: The Science and Lore of the Kitchen, paru en 1984 et augmenté en 2004 (et à ce jour non traduit en Français, tant il faut dire que nos Hervé This, Anne Cazor et Raphaël Haumont nationaux ont largement fait le job).
Voici comment on y découvre qu’au terme d’une expérience qu’on imagine spectaculaire, la tomme fraiche de Cantal qui sert à faire l’aligot peut faire des fils de 2 à 3 mètres de longueur ! On y apprendra que les fromages les plus naturellement disposés à faire des fils sont la mozzarella, l’emmental et le cheddar, entre 55 et 82° ; voilà pourquoi il n’est pas étonnant que les « mélanges râpés prêts à l’emploi » des industriels soient très souvent un savant mélange de ces trois fromages – en plus de quelques autres additifs, qui ont d’ailleurs été testés par le cuisinier Heston Blumenthal lorsqu’il mit au point un grilled-cheese sandwich… forcément trois étoiles !
Alors préparez vos appareils à fondus et à vous de faire le test avec un thermomètre de cuisine, un mètre de couturière et tous les fromages qui vous plairont !
Durable : le fromage à la bonne saison
Eh oui ! tout comme les fruits et les légumes, la viande et le poisson ont leur saison, et donc, les produits laitiers aussi : c’est la qualité de la récolte du lait utilisé pour la fabrication du fromage qui va faire varier le goût d’un même fromage, selon ce qu’auront mangé les animaux avant la traite.
Ainsi, l’herbe broutée en automne est riche et particulièrement parfumée, et le fromage produit aura un goût plus prononcé que celui d’été, plus fleuri et moins aromatique.
La saisonnalité des fromages passe aussi par la durée d’affinage, car si le fromage frais est rapidement consommable, la disponibilité d’un fromage affiné varie de quelques semaines à plusieurs mois ! Ainsi, si les fromages dont l’affinage vient à maturité en automne sont appréciables (Saint Nectaire, Laguiole, Banon, Comté), les fromages d’hiver (ceux qu’un temps d’affinage long fait arriver à maturité en hiver) sont également prisés, notamment les pâtes lavées (Pont-l’évêque, Époisses, Livarot), et les pâtes persillées (Roquefort de chez nous, Gorgonzola de l’autre côté des Alpes par exemple). Au printemps et jusqu’au début de l’été et pour ces mêmes raisons, on préfèrera des fromages au temps d’affinage court, comme les fromages de chèvre, les pâtes molles et à croûte fleurie.
Actuel : l’option végane
Si vous aimez le fromage, il y a des chances que vous vous intéressiez à son élaboration – et là, ce n’est guère reluisant. La prise de conscience est souvent brutale : la production du lait à l’origine de la plupart des fromages pose de nombreux problèmes écologiques et éthiques. Voilà qui vous a peut-être déjà incité à passer aux laits végétaux et autres dérivés véganes.
Vient le problème de la dénomination : dans un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne a décidé que certains produits végétaux (à commencer par le lait de soja ou le « beurre végétal ») ne pourraient plus être commercialisés sous ce nom, et que la dénomination si évidente de « lait » devrait être réservée à la sécrétion d’animaux femelles. (Dit comme ça, c’est moyen glamour mais vous avez compris l’idée). Il en va de même pour la crème, la chantilly, le beurre, le fromage et le yaourt : si ce n’est pas issu du lait animal, ça n’en est pas. Bien, sûr, l’arrêt confirme une liste d’exceptions déjà établie. Notez ainsi que du Kakaosmør danois au crèmevulling néerlandais en passant par le Vajkörte hongrois, vous, petits Français, aurez encore le droit de dire « lait d’amande », « lait de coco », « beurre de cacao » ou « fromage de tête ».
Ainsi, essayez les « pâtés végétaux » : on sait rien qu’au nom que ça aura la forme d’un petit pâté et qu’il y aura principalement des végétaux dedans (et comme un pâté industriel, d’autres ingrédients improbables). On trouve aussi les noms « faux-mages », mot-valise désignant un faux fromage, ou encore « frawmage » (constitué des mots fromage et raw, « cru » en Anglais) pour les préparations non cuites destinées aux crudistes, ou encore des néologismes comme mozzella ou ricotti. Certains ont aussi opté pour l’expression « affinés végétaux ».
Concrètement, même s’il n’est pas certain qu’un « fromage de cajou » soit très éco-responsable (au même titre que le lait d’amande), on est à peu près sûr qu’aucune vache n’aura été impliquée dans son élaboration. Alors pourquoi pas tenter aussi ? Une petite diète végétale de temps en temps, c’est aussi l’occasion de cuisiner et manger des choses nouvelles et de sortir de ses habitudes !