Les tendances chocolatées par Valentine Tibère, notre Chocolatologue
Auteure de 101 chocolats à découvrir et co-auteur du Larousse du Chocolat avec Pierre Hermé, cette chocolatologue renommée, membre de la Confrérie des Chocolatiers de France, a aussi aidé les planteurs du Soconusco (Mexique) à sauver les légendaires arbres producteurs de cacao royal.
Pourrais-tu nous préciser ce qu’est un(e) chocolatologue ?
Je préfère me définir comme œnologue et historienne du chocolat. Je me suis spécialisée sur ce que l’on appelle le "bean to bar" où des chocolatiers font appel à des sourceurs qui leur fournissent des fèves de cacao représentant des terroirs. Ces fèves permettent d’extraire des arômes et également des parfums que l’on retrouve avec gourmandise dans l’expérience en bouche. J’aime beaucoup parler du chocolat, faire comprendre son élaboration, son potentiel aromatique et également faire découvrir des crus provenant du monde entier.
En quelques mots, comment est fabriqué le chocolat ?
Les fèves de cacao proviennent du cacaoyer et sont extraites à la main des cabosses. Elle sont ensuite triées puis mises à fermenter pendant plusieurs jours ce qui leur permet de développer leurs arômes et de réduire leur amertume. Elles sont ensuite séchées en plein soleil dans des tunnels en polypropylène. Vient ensuite la torréfaction qui donnent ses notes de grillé aux fèves ; la fine coque autour du "cotylédon" est enlevée car non consommable directement. Les fèves sont broyées finement et en fonction du chocolat produit, on ajoute du sucre et de la poudre de lait. Le conchage permet à tous ces éléments de se mélanger de façon homogène grâce au beurre de cacao qui donne sa texture au chocolat alors produit.
Quels chocolat(s) aimes-tu faire découvrir ?
J’adore faire découvrir des tablettes de chocolat issues du "bean to bar" : ce que l’on appelle en France des chocolats de crus. Les fèves sont traitées comme des grands crus du domaine viticole où l’on évoque des notions de terroirs, de récoltes, de travail particulier sur la fermentation et la torréfaction. C’est là le rôle du chocolatier : travailler sur une torréfaction plus ou moins douce, en y adaptant le conchage le plus approprié. Ces opérations paraissent simples, mais chaque nouvelle tablette prend des semaines à élaborer ! Au final, certaines tablettes égrènent jusqu’à une dizaine de notes aromatiques différentes, autour de la torréfaction, des fruits, des épices, de la fermentation.
Quelles sont les nouvelles tendances pour l’année 2022 sur le chocolat ?
Suite au confinement, beaucoup de chocolatiers ont développé leur savoir-faire sur la transformation des fèves en chocolat. On assiste à un phénomène d’éclatement du phénomène “bean to bar”. En moyenne, on peut compter, à présent en France, jusqu’à 150 chocolatiers maîtrisant la fabrication du chocolat à partir des fèves dans leur propre laboratoire, avec une volonté de partenariat équitable avec les planteurs et un souci de traçabilité pour les consommateurs. Leur créativité autour des recettes et des dosages est sans limite. La réduction des déchets autour de la récolte du cacao est aussi une question clé cette année : on parle notamment de l’utilisation des fines coques entourant les fèves de cacao, auparavant jetées ou bien utilisées comme terreau ou couvre-sol au jardin. Celles-ci sont maintenant utilisées par des pâtissiers-chocolatiers en décoction ou en infusion et intégrées à des recettes.
Peux-tu nous en dire plus sur la pulpe du cacao, nouvel ingrédient issu du cacaoyer ?
Les peuples autochtones d’Amérique du Sud et de Méso-Amérique ont toujours aimé ouvrir les cabosses pour sucer la délicieuse pulpe de cacao qui entoure les fèves. Elle est à la fois sucrée et acidulée, avec souvent des notes de litchi. Au Mexique et au Brésil notamment, on fait un jus de fruit traditionnel appelé "miel de cacao", en additionnant la pulpe de cacao d’eau fraîche. Un pur régal ! La maison Valrhona s’est inspiré de cet usage ancestral du mucilage (la pulpe de cacao) pour leur nouveau concept Oabika. Le mucilage est concentré à 72°C, ce qui lui donne une couleur dorée en le caramélisant légèrement et le rend sirupeux. Ce concentré aromatique devient ainsi facile à utiliser en pâtisserie ou en chocolaterie.
Cet ingrédient trouvera-t-il son utilisation chez les particuliers ?
Je pense que Valrhona réservera d’abord ce fabuleux produit aux professionnels. Mais les amateurs pourront toujours se régaler de jus de cacao chez certains artisans chocolatiers qui le commercialisent déjà en France ! Ou si vous avez la chance de résider dans un pays producteur de cacao, vous pourrez acheter une cabosse de cacao bien mûre pour fabriquer vous-même votre jus de cacao ! En Amérique du Sud, les producteurs de cacao créent même des confitures, des sirops, des glaces, des vins, des liqueurs à base de jus de cacao qui sont juste exquis !
Où peut-on bénéficier de vos connaissances et de vos découvertes ?
Je donne régulièrement des cours d’Œnologie du chocolat de 2 heures en entreprises et chez Chefsquare à Paris où j’initie à la dégustation de chocolat de crus à partir d'expériences sensorielles pratiques.
Cela permet d’identifier et mémoriser les saveurs et arômes naturels de fèves, tablettes et bonbons au chocolat de crus.